L'auteur de cet article est Greg Kinsey, expert senior dans les domaines de l'excellence opérationnelle, de la transformation digitale et de l'industrie 4.0. Il accompagne les entreprises industrielles dans leur stratégie Industrie 4.0, leur mise en œuvre systématique, et la réalisation des résultats. En janvier 2023, il a rejoint le cabinet international de conseil opérationnel Argon & Co, un partenaire Consultant "Or" de Minitab, en tant que directeur associé à la tête du pôle Digital Manufacturing (Industrie 4.0).
Greg a plus de 30 ans d'expérience dans l’industrie manufacturière aux quatre coins du monde, principalement dans les secteurs automobile, électronique, de l'aérospatiale et des biens de consommation. Pour ce blog, nous avons eu la chance de l'interroger sur plusieurs sujets en lien avec la science des données.
Je pense qu'il est vital d'intégrer les analyses de données à la quasi-totalité des tâches industrielles. Que vous travailliez dans une usine, un bureau, un centre de services ou en contact avec le public, et quel que soit votre rôle ou votre secteur, dans le monde actuel, il est crucial de disposer de l'analyse de données appropriée à portée de main. Les données vous aident à prendre de meilleures décisions et donc à optimiser votre façon de travailler. Elles permettent également d'éviter les erreurs. Si vous avez les données adéquates pour accomplir votre tâche, vous êtes plus productif, moins stressé et plus heureux au travail.
La maîtrise des données est essentielle, mais par-dessus tout, nous avons besoin d'outils qui nous permettent d'utiliser les données au travail comme nous le faisons dans un contexte privé. La révolution numérique a déjà eu lieu chez les particuliers. Elle a pris la forme du e-commerce, des réseaux sociaux et des données personnelles. Les appareils numériques ont envahi presque tous les foyers, la plupart du temps sous forme portable. Peu importe vos hobbies, je suis sûr qu'ils impliquent l'utilisation de données. Que vous soyez marathonien, cuisinier amateur ou musicien, que vous restauriez des antiquités ou que vous pratiquiez un sport, les données sont bien présentes. Tous les aspects de notre vie personnelle reposent sur des données, et celles-ci nous aident à profiter au maximum de la vie. Cette transformation radicale ne s'est pas encore opérée dans la vie professionnelle des industriels.
Certains d'entre eux collectent déjà des données et génèrent des rapports, mais ils n'obtiennent pas forcément les analyses dont ils ont besoin pour faire un meilleur travail. Le problème ne réside pas tant dans le manque de maîtrise des données, mais dans le fait que les entreprises doivent créer l'environnement approprié et disposer d'outils adaptés et simples d'utilisation au bon endroit. Une telle approche permettrait de démocratiser les analyses au sein de la main-d'oeuvre.
La science des données doit faire partie intégrante de nos vies. Le terme "Scientifique des données" est trompeur, car je crois qu'il devrait désigner toute personne capable de recourir à des statistiques élémentaires. Une utilisation rigoureuse des données est de plus en plus sollicitée dans presque toutes les professions. A terme, nous deviendrons tous des "Scientifiques des données", peu importe notre travail.
Je me suis beaucoup impliqué dans le lancement du mouvement Six Sigma dans les années 1990. C'est à cette époque que nous avons réalisé les avantages dont disposeraient les ouvriers s'ils avaient accès à des outils statistiques élémentaires. Nous ne les appelions pas "Scientifiques des données" ; nous avons plutôt choisi le terme "Black Belts". Ils utilisaient la science des données pour décrire des procédés, résoudre des problèmes et appliquer des analyses basiques aux tâches quotidiennes. C'est ainsi que la science des données s'est enracinée dans les opérations industrielles. Six Sigma a jeté les bases de la transformation digitale.
Aujourd'hui, le monde des affaires commence à souscrire à la valeur des données. La technologie a fait ses preuves, avec un impact considérable sur la productivité, la prise de décision et la réduction du stress des employés, car les données appropriées permettent de résoudre les problèmes plus vite et plus facilement.
Pas du tout. Je pense que le numérique est un sujet transversal dans l'entreprise. L'utilisation des données et des analyses, ainsi que des outils associés, doit être étendue à la quasi-totalité des fonctions. Trop d'entreprises enferment les données entre les mains d'une poignée de supposés experts, plutôt que de rendre accessibles à tous des données qui pourraient s'avérer utiles au quotidien.
Aujourd'hui, le monde change, et les responsables des opérations décident également des stratégies numériques pour leurs équipes. Ainsi, le responsable d'un service de maintenance, de qualité, de marketing ou d'approvisionnement vous dira que lui incombe (ou devrait lui incomber) la numérisation de ces fonctions.
La majorité de notre travail de conseil chez Hitachi consiste à collaborer avec les chefs de service.
Le service informatique accompagne la digitalisation, mais la véritable transformation digitale s'opère depuis les opérations et les utilisateurs. Les responsables des opérations savent mieux que personne où commencer la digitalisation et ont souvent une idée de la future direction de leurs opérations. Une grande partie des meilleures suggestions proviennent d'individus impliqués dans les tâches quotidiennes. C'est pourquoi il est important de les associer à vos efforts de conception numérique.
Que de chemin parcouru depuis 20 ans ! A l'époque, l'implémentation de nouveaux systèmes obligeait les organisations à changer leur façon de travailler pour s'adapter à la technologie. Je me rappelle de nombreuses entreprises qui ont modifié leurs processus métier pour respecter les exigences d'applications MES ou MRP rigides, empêchant de ce fait toute innovation ou optimisation des opérations.
Désormais, la situation s'est inversée : nous pouvons créer des interfaces numériques, des algorithmes et des plateformes qui s'adaptent aux processus métier. La méthode agile se concentre sur les problèmes à résoudre et les expériences utilisateur requises. Le service informatique doit alors prendre en charge ces innovations et les adapter à l'infrastructure globale.
Oui, absolument. Regardez comment nous utilisons nos smartphones. Inutile de savoir coder pour en tirer mille et un avantages. Il devrait en être de même pour les outils d'analyse professionnels. L'expérience utilisateur doit être rapide, facile et pertinente.
A l'aube de l'informatique dans le monde des affaires, il n'existait que des outils sophistiqués que seuls des experts savaient manipuler. Vous vous souvenez des "programmeurs" ? Aujourd'hui, on recherche des outils d'analyse à la portée de tous. Chez Hitachi, nous créons des solutions qui ne requièrent pas un lourd travail de programmation ou de codage dans des langages complexes.
L'analyse prédictive change la donne. La plupart des données utilisées aujourd'hui dans l'industrie sont rétrospectives. Les données historiques décrivent les événements passés. Dans certains domaines, des données en temps réel sont disponibles, ce qui permet de suivre la situation sans délai. Avec les analyses avancées qui existent aujourd'hui, vous pouvez commencer à projeter les événements futurs en fonction du comportement des facteurs de causalité. Par exemple, il se peut que la météo influe sur vos opérations. Ou qu'un changement significatif des taux de change ait des répercussions sur votre structure de coûts. Ou encore que les préférences des clients changent du jour au lendemain. Il est dans votre intérêt de collecter et d'analyser les données liées à ces facteurs pour comprendre ce qui se passe à ce moment-là et ce qui se passera demain. Si vous souhaitez extrapoler les données et effectuer des projections pour la semaine suivante ou le mois suivant, c'est là que l'analyse prédictive (basée sur l'apprentissage par la machine et les données factorielles) entre en jeu pour vous permettre de connaître l'avenir.
Je vois cela comme un voyage dans le temps. L'analyse prédictive permet de faire un bond à une date ultérieure et de créer des scénarios, en formulant des hypothèses. Et si le marché prenait une certaine direction et que la demande changeait radicalement ? Et si nous accélérions ou ralentissions un procédé ? Pourquoi ne pas simuler des modifications de conception de produit ? Et si nous pouvions prendre en compte l'impact d'un dénouement économique ou politique ? Quelles seraient les conséquences pour l'économie ou l'environnement réglementaire dans lequel nous opérons ? Les possibilités sont vastes.
Vous pouvez ensuite combiner tous ces facteurs et échafauder des scénarios pour le mois suivant, l'année suivante ou le trimestre suivant. Vous commencez à voir comment ces différentes relations de causes et effets évolueront à l'avenir. Que peut-on y faire ? Quels changements ou mesures correctives s'avéreront nécessaires dans le cadre d'un tel scénario ? C'est là tout l'enjeu. Optimiser vos futures performances.
Voilà pourquoi c'est si important. Vous pouvez vous préparer, anticiper ce qui va se passer pour mieux gérer votre entreprise, votre organisation et vos procédés, afin de faire face à tous les changements qui vous attendent. Tout repose sur l'agilité.
Absolument ! J'ai une formation d'ingénieur, précisément un diplôme en génie mécanique. J'ai appris que l'ingénierie consiste à résoudre les problèmes, à réaliser des modélisations mathématiques et à appliquer le raisonnement scientifique. La science des données en fait partie.
L'avènement de la technologie qui permet d'accéder aux données et de les utiliser sans programmation complexe pousse de plus en plus la communauté des ingénieurs vers la science des données. Mais les implications sont bien plus étendues. Il faut dépasser le cercle des ingénieurs pour en voir tout le potentiel. Lorsque les travailleurs qualifiés tels que les opérateurs de machines, les conducteurs de véhicules, les chargés de maintenance ou encore les ouvriers de la chaîne de production, commenceront à devenir des scientifiques des données, alors le gain de valeur sera maximal. Et n'oublions pas les managers, notamment les cadres, qui deviendront aussi des scientifiques des données.
Une fois que l'ensemble de l'organisation dispose de meilleures données et d'outils d'analyse simples d'utilisation, la science des données est la portée de tous. Selon moi, c'est un des éléments fondamentaux de la 4ème révolution industrielle.