Les données au bloc : le chirurgien David Kashmer met son scalpel et les statistiques au service de ses patients

Minitab Blog Editor | 9/9/2020

Tout le monde s'accorde à dire que la prestation des soins de santé doit être la plus efficace possible. Le domaine médical n'a pas encore adopté les méthodes d'amélioration de la qualité axées sur les données aussi rigoureusement que de nombreux autres secteurs. Toutefois, le Dr David Kashmer, responsable du service de chirurgie à l'hôpital Signature Healthcare de Brockton dans le Massachusetts, applique systématiquement des méthodes d'amélioration de la qualité aux soins chirurgicaux intensifs et traumatologiques, et forme ses collègues.

Lorsque ce Black Belt Lean Six Sigma a lancé l'idée d'analyser les données dans le bloc opératoire, il a rencontré une certaine résistance. Tout le monde le prenait pour un fou et lui demandait de quoi il pouvait bien parler. Cependant, dix ans plus tard, ses collègues si sceptiques au départ sont devenus de véritables adeptes, et David Kashmer sait que même une simple analyse statistique peut grandement améliorer l'issue des patients. Et il peut le prouver. Nous avons demandé à David Kashmer de partager certaines informations qu'il a recueillies durant ces dix années de combat contre les idées reçues, d'interprétation de données et d'obtention de résultats à l'aide du logiciel d'analyse de données Minitab.

 

Minitab : Qu'est-ce qui est à l'origine de votre intérêt pour l'amélioration de la qualité et son application dans le milieu médical ?

David Kashmer : Lorsque j'étudiais la maîtrise statistique des procédés, j'ai vraiment compris qu'il s'agissait d'un outil différent et je me suis aperçu que ces méthodes pouvaient s'appliquer à nos activités quotidiennes en chirurgie. Ce qui m'a particulièrement frappé, c'est le fait qu'un grand nombre d'outils recherchés en matière de soins de santé existent déjà, mais nous ne les connaissons pas. Ce n'est pas ce que l'on nous apprend en école de médecine ; nous réinventons donc plus ou moins ce qui a déjà été fait.

Minitab : Quels sont les outils/techniques d'amélioration de la qualité que vous avez intégrés à la chirurgie ?

David Kashmer : J'ai utilisé la régression multiple et différents outils de qualité dans Minitab pour influer directement sur l'amélioration des soins apportés aux patients. Je les utilise régulièrement pour obtenir des résultats de qualité. Par exemple, je vais regarder quels facteurs sont associés de manière significative au temps passé par les patients dans le service des urgences ou si les plaies des patients s'infectent. Je suis en mesure d'utiliser nos données et notre population pour améliorer visiblement la qualité. C'est ce que je fais depuis plus de dix ans maintenant. Le fait de mesurer la normalité d'un ensemble de données avec des outils comme le test d'Anderson-Darling aide notre équipe à choisir la bonne analyse statistique. Nous pouvons donc affirmer que nos modifications ont engendré de véritables améliorations, plutôt que de nous fier à notre intuition.

Minitab : Comment expliquez-vous la réticence générale concernant la mise en place des techniques d'amélioration de la qualité et des outils de maîtrise statistique ?

David Kashmer : Généralement, dans le milieu médical, notamment avec les médecins peu formés aux outils statistiques, la valeur perçue de ces outils est considérablement inférieure à leur valeur réelle. Les outils ne sont généralement pas appliqués pour l'amélioration des procédés en matière de soins de santé parce qu'ils semblent trop compliqués. Vous devez apprendre toutes les techniques, savoir quel outil utiliser dans une situation précise et avec quelles données, et même savoir comment configurer correctement certaines tables. Cependant, tous les outils sont simples avec Minitab, qu'il s'agisse d'élaborer une équation de régression finale, de trouver le R au carré ou encore de valider un nouvel outil de mesure dans une étude R&R de l'instrumentation.

L'arbre de décisions interactif de l'Assistant (ci-dessus) vous oriente vers l'outil statistique approprié en vous posant des questions sur le type de données utilisé et l'objectif de votre analyse.

Les informations sur la configuration, la collecte et la saisie de vos données éliminent les suppositions et garantissent la réussite de l'analyse.

Les outils avancés qui examinent une population afin de déterminer la signification statistique sont très puissants, mais le langage des soins de santé est différent de celui des statistiques. Cela n'a pas été pris en compte dans les décisions médicales fondées sur des données que nous constatons de manière individuelle. Il y a donc peu d'attente de ce côté. En chirurgie, l'amélioration des procédés repose souvent sur des cas individuels. Certaines données sont utilisées, mais on passe à côté d'idées pertinentes, telles que la façon de calculer la taille d'échantillon adéquate et le fait de déterminer si la hausse ou la baisse d'un pourcentage a une réelle signification. Les chirurgiens ne se rendent pas compte de l'intérêt d'utiliser les statistiques pour se prémunir contre les erreurs de première et de deuxième espèces. Nous nous concentrons davantage sur ce qui, à notre avis, va aider un patient dans une situation particulière. Toutefois, les statistiques peuvent nous éviter d'effectuer un changement alors que tout allait bien avec le patient ou de penser qu'il n'y avait pas de problème quand il y en avait un... C'est dans ces cas-là que ces techniques deviennent beaucoup plus puissantes et intéressantes.

Minitab : Les avantages liés à l'application des techniques d'amélioration de la qualité ont-ils répondu à vos attentes ?

David Kashmer : Les outils de Minitab et la maîtrise statistique des procédés ont été aussi précieux que ce que je pensais, et j'avais placé la barre assez haut ! Par exemple, nous pouvons modifier une méthode et utiliser ensuite les données afin de détecter s'il y a eu une amélioration significative pour un indicateur spécifique. Cette approche n'est pas très répandue. Souvent, nous apportons une modification et, si le pourcentage semble un peu plus élevé, nous nous réjouissons. Si le pourcentage baisse un peu alors que nous souhaitions qu'il soit plus élevé, cela nous contrarie. Si le résultat est vert sur le tableau de bord, nous sommes aux anges. S'il est rouge, nous pestons. Néanmoins, l'utilisation des outils de maîtrise statistique des procédés dans Minitab et des autres ressources peut vous aider à déterminer quelles améliorations sont vraiment significatives et vous protéger contre les erreurs de première et deuxième espèces. A l'heure actuelle, ce genre d'évaluation n'est pas très répandu dans les soins de santé. Nous nous retrouvons donc à réaliser de nombreuses modifications afin de mieux prendre en charge les patients, mais nous tournons en rond au final. D'autres fois, nous ne faisons pas assez de changements, et c'est sans doute encore pire. Des outils tels que Minitab vous permettent de savoir avec certitude si une amélioration a porté ses fruits et si elle est suffisante.

Minitab : Comment avez-vous surmonté la réticence de vos collègues concernant l'utilisation des méthodes statistiques et comment avez-vous intégré ces techniques à la chirurgie ?

David Kashmer : J'ai eu l'occasion d'effectuer quelques changements où les différents systèmes et résultats fonctionnaient vraiment bien dans plusieurs services de chirurgie. J'ai constitué une équipe, élaboré une base de connaissances partagée avec l'équipe et me suis concentré sur les améliorations rapides et visibles. Encore une fois, au début, les gens me prenaient vraiment pour un fou. Mais lorsqu'ils ont constaté les résultats obtenus avec la maîtrise statistique des procédés à la place des méthodes d'amélioration traditionnelles, ils ont compris ma démarche et ont commencé à l'apprécier à sa juste valeur.

Minitab : Alors, comment avez-vous développé le projet ?

David Kashmer : Comme pour Lean et Six Sigma, nous avons réalisé des modifications fondées sur notre analyse des données avec Minitab et avons constaté des améliorations significatives. Le groupe a aidé tous les membres de l'équipe à interpréter ces statistiques, à comprendre ce qu'elles permettaient d'éviter et en quoi elles nous aidaient. Une combinaison gagnante ! Comme nos résultats ne cessaient de s'améliorer, de nouveaux soutiens affluaient. Nos pairs étaient réceptifs aux résultats et au fait que la méthode utilisée favorise la solidarité de l'équipe au lieu de chercher qui a "fait une boulette" dans un cas précis. Ils voient les éléments dans le système, ainsi que la loi de distribution des données qu'ils partagent tous ensemble. J'essaie vraiment de ne jamais séparer les éléments en fonction des prestataires individuels, et cela semble être également utile.

Minitab : Quels obstacles avez-vous rencontré lors de l'utilisation des outils statistiques en chirurgie et de la mise en œuvre de changements ?

David Kashmer : La prise de décisions avec des données est difficile, car elles ne parlent pas à tout le monde. Lorsque nous abordons les véritables performances de notre système, il est capital de mettre un visage sur des données et de les utiliser pour raconter une histoire.

Minitab : Existe-t-il des outils ou des méthodes spécifiques qui vous aident à raconter cette histoire ?

David Kashmer : L'Assistant de Minitab est vraiment pratique pour fournir des visuels des divers outils. Je peux comprendre pourquoi une analyse est différente et ce qu'elle signifie, mais il est utile de pouvoir le démontrer pas à pas à un groupe. L'Assistant explique exactement pourquoi Minitab demande quelque chose et pour quelle raison afin que nous puissions passer à l'étape suivante. Le fait que le logiciel vous guide au cours d'une analyse R&R de l'instrumentation, par exemple, et mettre tout le monde d'accord apporte une réelle valeur ajoutée. L'équipe sait pourquoi vous utilisez l'outil et comment vous avez obtenu les résultats. Je trouve cela très utile.

La méthode d'analyse des systèmes de mesure appelée R&R de l'instrumentation vous permet d'évaluer et de valider des outils de mesure. L'Assistant fournit des conditions requises, des hypothèses et des conseils (ci-dessus) qui assurent une analyse efficace.

Minitab : Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui essaie de faire passer une idée à l'aide des données ?

David Kashmer : Tout d'abord, il faut disposer de données "propres". Le message simple et humain, à savoir connaître les mesures de variation et le risque dans un système. Les résultats doivent se limiter à la partie la plus simple du message. Il faut montrer la loi de distribution et la traduire sous forme de message humain. Il est toujours utile de tirer profit d'un outil comme Minitab : il met des éléments en évidence, affiche de façon élégante les lois et les graphiques, et vous apporte exactement ce dont vous avez besoin.

Minitab : Dans quel domaine l'amélioration de la qualité a-t-elle eu le plus fort impact ?

David Kashmer : Avec les données continues. En raison de leur niveau de développement, la plupart des hôpitaux vous communiquent seulement des données anonymes, telles que des pourcentages. Mais Minitab vous montre la loi de distribution de variables continues, comme le temps, ce qui donne beaucoup plus de poids à votre histoire. Par exemple, l'utilisation du pourcentage au-delà d'un certain temps indique la durée du séjour des patients en chirurgie traumatique ou au service des urgences, alors que pour les patients gravement malades, ce pourcentage n'est peut-être pas si intéressant que l'étude de la loi de distribution. Minitab tire son épingle du jeu en mettant facilement en évidence des aspects importants lors du passage en revue des analyses, ce qui simplifie considérablement l'exploitation des données dans les hôpitaux. Je serais ravi de constater que plus d'hôpitaux utilisent les données continues, au lieu de reculer devant ces dernières.

Minitab : Pouvez-vous nous parler de vos principales réussites ?

David Kashmer : Deux très bons exemples me viennent à l'esprit. Nous pensions avoir un problème avec les patients présentant un traumatisme au service des urgences, mais le temps médian de prise en charge semblait satisfaisant. Le groupe ne comprenait donc pas pourquoi nous avions un souci. Nous avons alors utilisé Minitab pour voir la loi de distribution, qui s'est avérée non normale, très différente d'une simple courbe en cloche. Nous avons constaté que la médiane était en fait un peu trompeuse, car elle laissait de côté certains éléments. Cela soulignait parfaitement le problème : la loi de distribution a révélé un résidu de patients dont l'état avant empiré après plus de six heures passés dans le service des urgences. Nous devions donc nous concentrer sur ce résidu plutôt que sur la médiane. En examinant les données sous cet angle, nous avons fait une découverte.

L'autre exemple concerne un hôpital tellement saturé qu'il n'avait plus de lits et redirigeait les patients vers d'autres centres. Nous ne voulions pas transférer de patients et avons essayé de comprendre pourquoi cela se produisait. Le premier problème était qu'il nous fallait six heures pour décider d'un transfert. Pendant ce temps, dans le chaos ambiant, nous avons recueilli des données sur tous les éléments susceptibles de contribuer à la situation. L'un d'eux incluait l'urgentiste de garde. Nous avons mis ces informations dans un modèle de régression et constaté que les seuls facteurs significatifs associés au transfert étaient le manque de personnel et de lits en soins intensifs. Cette analyse a permis à l'organisation de concentrer son énergie sur ces deux facteurs au lieu des 15 qu'ils avaient identifiés. Une fois ces deux problèmes résolus, bien sûr, le facteur de transfert a tout bonnement disparu.

Minitab : Prévoyez-vous des tendances pour l'amélioration de la qualité dans les soins de santé ?

David Kashmer : La qualité est de plus en plus au centre des préoccupations par des payeurs tiers, qui remboursent les hôpitaux et les médecins pour les soins réalisés. Le secteur de la santé commence tout juste à apprendre comment améliorer la qualité. Nous sommes en quelque sorte en train de tâtonner dans le noir à la recherche d'outils qui existent déjà dans le domaine de la maîtrise statistique des procédés. Bien sûr, cela nécessite une formation et des connaissances spécialisées dont nous ne disposons généralement pas en tant que médecins. Cela fait partie des raisons pour lesquelles ces outils ne sont pas utilisés aussi souvent qu'ils pourraient l'être. J'ai été passionné par la découverte des applications de Lean et Six Sigma, puis du logiciel à associer, comme Minitab. Après dix ans d'utilisation, les avantages sont plus qu'évidents. Vous n'imagineriez même pas vous en passer !

Minitab : Un mot de conclusion sur la maîtrise statistique des procédés et l'amélioration de la qualité dans le cadre des soins de santé ?

David Kashmer : Les prestataires doivent savoir que la qualité est déjà présente, car elle figure déjà dans le contrat d'un grand nombre de payeurs tiers, ce qui a un fort impact sur les remboursements. Ces outils fiables nous montrent le résultat des changements apportés aux systèmes et comment nous pouvons les améliorer. Mais il y a encore plus important : si vous avez connaissance de l'existence d'outils susceptibles d'aider les gens, vous avez la responsabilité de les utiliser. Au final, en comprenant vos données, vous rendez un énorme service à vos patients.